jeudi 10 février 2011

L'homme au gant



Poser, poser, voilà qui est épuisant, quoiqu’on en dise ! Lorsqu’on rêve de navires, de batailles et de bacchanales, les heures sans bouger comptent triple.
Ce Tiziano Vecellio prend tout son temps, et  mon père a su le payer en monnaie d’or pour nous réserver ses bons services. 
Autant que 1520 soit une  année parfaite pour profiter du temps qui passe, de mes vingt ans et de la puissance de notre Maison. Qui saura si dans cent ans encore cette image fugace, faite de quelques pigments, d’une toile et d’une belle brassée d’un savoir faire de peintre feront résonner une quelconque émotion dans le cœur de ceux qui la contempleront ? 
Une journée de plus sans me mouvoir et ne rien dire… Tout cela pour un portrait de plus de ma personne certes noble mais frivole, alors que je m’ennuie ferme dans notre palais florentin. Cependant, je parierais qu’il ne se passera assurément pas un an avant qu’on ne guerroie à nouveau. François le Premier, en France prépare ses troupes, et nos alliances vont avoir à jouer.
Alors, préparer les conflits, se montrer plus fourbe que l’adversaire, tout cela je l’ai lu dans l’exemplaire du fort rusé ouvrage de Niccolò Macchiavelli. Je devrais lui rendre visite, nous sommes presque voisins, seules quelques lieues et une rive de l’Arno nous séparent. Mon Maître avait raison, absorber ces principes et instructions avant même que de commencer à recruter des mercenaires et des soudards me permettra de gagner bien du temps. 
Et de la gloire, à foison. 
Je pense à mon ami d’Espagne, Santiago, qui est parti rejoindre un certain général Cortès au Nouveau Monde, il y a deux ans déjà et dont je n’ai pas de nouvelles. Ah, s’il existait une machine qui permît de parler avec un ami au loin, voire même de lui faire voir ce que je vois, comme ce tableau qui devrait me fort bien représenter. En quelque sorte…écrire une missive et que cela ne prît point quatre mois pour qu’il la lise ? Un cousin lettré et curieux m’a narré que Leonardo di ser Piero da Vinci,, mort l’an dernier en France aurait imaginé toutes sortes de machines, dont des inventions qui permettraient de franchir aisément les distances en mer et en l’air. 
Non, arrêtons de rêver, jamais l’homme ne pourra envoyer des messages sans l’aide d’une plume trempée et d’un messager bien sellé.
Ah ! J’ai bien mal aux dents, à nouveau, je vais demander une pause de quelques heures afin de faire ripaille, quelques exercices d’escrime et une promenade à cheval. Ce bon peintre reviendra demain, et je crois qu’il a fort à faire car Venise lui a passé de belles commandes. Allons !

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