vendredi 21 octobre 2011

Une terrible beauté est née


Écoute, petit, quand tu n’étais pas né, on pouvait encore apercevoir le visage d’un homme. Je veux dire, sans écran E-Face. Si ! Nu, sans rien autour. Tel que tu te vois dans ton miroir le matin, tout le monde pouvait contempler tout le monde. Dans la rue, chacun exhibait sa peau et ses plis sans honte. En toute impunité, on pouvait montrer à autrui la partie la plus intime de son corps, sa figure ! La loi a changé, petit, l’obligation de se recouvrir la face dans les lieux publics n’est pas à outrepasser. Je te rappelle que les peines encourues sont sévères : amende, déconnexion et décharges : dura lex ! Dois-je te rappeler la formidable opportunité d’accéder à la grâce que l’E-Face nous a amenée ? Regarde-moi, vois ce charmant visage 3D+ que je porte, avec des lèvres numérisées qui te parlent, épousant mon discours ? Il s’agit d’un acteur que tu n’as pas connu, quand il avait vingt ans : un dieu grec ! Mes capteurs me montrent que tu as téléchargé l’image de ta souris préférée ? Tu ris ? Enfin, la souris…rit de toutes ses dents ! Depuis l’Antiquité, l’humanité a cherché à se faire plus belle, à paraître sous un jour radieux. Les femmes se frottaient des poudres colorées sur le visage, afin d’avoir un regard ombré ou une bouche qui accentuait leur séduction. Nous, les garçons, avions commencé à étaler des crèmes sur notre peau qui se craquèle au fil des ans ! Le dévoilement dut laisser place à la dissimulation. Protégés par notre E-Face, nous sommes désormais munis d’une apparence dont notre libre arbitre est maître ! Presque, car une contribution nous est demandée pour accéder à ces choix infinis. Cet acteur que j’ai sélectionné, ne me coûte que six crédits, et j’ai choisi l’option « sans publicité », pour dix crédits de plus. Je t’ai offert un package pour la semaine, petit : tu pourras choisir le personnage que tu veux, avec un peu de réclame pour ta boisson préférée, tout juste dix petites secondes par minute. Ce n’est rien, petit, tu sais, la beauté, ça n’a pas de prix !


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Ceci était mon texte pour le concours de la Biennale de Lyon 2011
Voici le lien  :



Une titre " une terrible beauté est née" et une contrainte = 2011 signes (pas facile)