vendredi 11 février 2011

La question



Il est classique d’interroger quelqu’un sur le thème « Et vous, cher ami, quelle question poseriez-vous à Dieu, en arrivant au ciel ? ». Alors là, je dis stop, trop facile, mou du genou, porte de sortie, eau tiède, fadaises et simplification rassurante.

Pour commencer, pourquoi ce cliché tenace du bon vieillard barbu, en tenue blanche façon HP, qui vous attend gentiment flouté en haut d’un grand escalier céleste, nimbé d’une masse nuageuse garantie 100% coton ? D’abord, vous allez faire la queue, et pas qu’un peu ! Devant vous 37 irakiens qui viennent de croiser une voiture piégée en allant au marché, 2 soldats US fraichement relevés de leur poste en Afghanistan par une mine, 289 cardiaques, 159 accidentés de la route, 55.4 mineurs chinois et j’en passe. C’est long, le barbu est bavard avec chacun d’entre eux. Puis c’est enfin à votre tour, et… à ce moment précis, vous vous réveillez.

Et puis donc, pourquoi pas plutôt un environnement instable et terrifiant ? Façon David Lynch en pire et comme dans ces cauchemars qu’il est impossible de verbaliser, sur fond de musique industrielle-allemande-progressive des 70’s passée à l’envers et en boucle, volume 11. Vous arrivez épuisé en haut de l’escalier abrupt et sanglant dont les proportions sont illogiques et dérangeantes, comme dans les dessins d’Escher. Une porte s’ouvre, une horrible créature est devant vous, qui a toutes les réponses. Bip, bip fait votre réveil. Il est 07h01 et merde, vous avez un meeting de 4 heures ce matin avec des auditeurs financiers du QG de New York, suite à l’affaire des factures oubliées dans une poubelle à Bratislava.

Ou alors, l’escalier descend, descend, il fait de plus en plus chaud. Les lumières rouges et noires deviennent très prononcées, aveuglantes. Un portail gigantesque se dresse devant vous, il s’ouvre très lentement en grondant dans un fracas, euh, d’enfer. Un peut bonhomme cornu vous déclare «  Et voici les réponses à tout ce que tu as toujours voulu connaître ! Commençons par la signification révélée des termes ERREUR 404… » Votre voisin vous donne soudain un coup de coude et murmure : » Fais gaffe, tu as commencé à ronfler et là c’est le CEO Monde qui vient de faire une blague sur les employés français après le déjeuner ! »
Autre hypothèse, peut être, un grand tunnel, la formidable lumière blanche, des anges merveilleux et beaux vous tiennent par la main en souriant. Vous volez, débarrassé de toute pesanteur vers un endroit fabuleux et vous demandez à ces braves êtres épris de bonté : » Alors, qui c’était le Masque de Fer ? ». Pas de chance, ils parlent néerlandais et vous ouvrez brusquement des yeux douloureux. Le jour se lève au Novotel d’Avignon Sud, vous regrettez amèrement d’avoir tenu 3heures 45 assis sur un tabouret de fer pendant cette pièce imbitable du Festival IN et l’absorption d’un volume excessif de ce médiocre rosé de Provence, dont vous avez abusé au dîner.

Ou alors, alors… oui ! C’est LE grand moment de vérité, vous entrez dans une salle à manger éclairée à la bougie, alors que résonne Massive Attack. Face à vous, une longue table où trônent Allah, Jéhovah, Bouddha, Odin, Thor, Bélénos et Zeus et une brochette de divinités à la menthe. « Quelle est ta question, fils ? » vous demande Bacchus, légèrement ivre. « Alors, je voudrais savoir pourquoi les tartines, quand elles tombent… » Et puis ils enlèvent tous leurs masques, c’est votre anniversaire, ou bien la caméra invisible, ou le taxi s’est trompé de restaurant.
Enfin, mon avis sur le sujet.
Vous êtes enfin débranché, votre numéro de sécu commence par moins 1, adios amigos, les pissenlits vous montrent leur racine en vous souhaitant bon appétit et en route vers la joie.
Vous montez, un peu essoufflé. En fait le grand escalier n’est pas si haut, les nuages sont un peu gris, il n’y a pas une file de types raides morts ou désagréables. Côté musique, un léger murmure, façon FIP un dimanche matin. Vous ouvrez la porte, pour trouver qui va pouvoir répondre à toutes ces interrogations existentielles et infinies. Vous tournez la poignée.
Devant vous, un grand miroir.
Vous riez.

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