C’était un potentat, un homme des tas, un type assis sur un trône doré la mi sol majeur. A l’arrière des grandes berlines made in Berlin, il dodelinait, bien content de lui. Les graines de café et les tonnes de cacao ruisselaient, tintant à ses oreilles comme autant de pièces d’or qui s’accumulaient sur ses comptes. Quelle jolie musique ! Il siégeait, l’air grave, face à des ministres-marionnettes et des légions de courtisans courbés et agréables, prêts à renoncer à toute fierté pour une obole. Madame était à ses côtés, telle une reine de tabac, enfumant l’opposition, déportant les porteurs, égorgeant les gorges chaudes.
Et puis patatras, il avait fallu faire des élections ! Des « élections » ? Oui, votre Excellence, comme quand le peuplounet doit choisir entre des candidats et Vous, pour être Pprrrrrésident. Ah bon ? Soit, mais vous savez, j’ai déjà gagné, alors laissons les urnes se remplir mes bons amis. Pas de chance, c’est l’autre, celui qui était un peu ton copain il y a trente ans, qui semble avoir gagné le sceptre lourd et le gros lot, le fétiche passepartout pour ouvrir tous les coffres à devenir milliardaire rien qu’en attendant la saison des pluies !
Mais non, mais non, dit le potentat, l’homme des tas, j’ai gagné car 46 est supérieur à 54 dans mon arithmétique personnelle, et regardez, l’écharpe rouge me va si bien comme le cordon de grand croix de l’ordre des Mbouloulou et puis mes grandes berlines, made in Berlin, vous ne pensez pas qu’un autre puisse s’asseoir dedans, quand même ? Allons, gardes, sortez les armes lourdes, défouraillez moi ces manants, ces fourmis magnans, ces petits crocodiles de bas étage dont certains, voyez-vous ne sont même pas « de chez nous », des ... étrangers en quelque sorte ! Vint la bagarre, où l’on vit des tas de soldats excités et aux habits dépareillés qui tiraient partout, sur les civils parce que c’est facile et surtout en l’air parce que c’est plus joli et une poignée de commandos aux traits pâles qui agirent dans l’ombre pour que le potentat de soucis soit expurgé de son bunker (comme le bernard-lhermitte de sa coquille, qui commençait à sentir le pourri au curry et le pneu qui brûle).
Maintenant, le potentat de plumes est halluciné ! Il est conduit sous nos yeux dans une chambre d’hôtel. Il roule des yeux ronds. Oh, il a même un petit tricot de peau et puis ses bras sont flasques. Son épouse furax est tellement décoiffée qu’on dirait une femme de chambre attrapée par hasard. Le pauvre, il n’a plus que des chemises à fleurs, genre touriste has been.
Il est tout perdu, personne ne se penche devant lui, et où sont ses berlines made in Berlin ? Qui va s’occuper de ses lingots chéris ? Où est son joli ruban rouge de grand commandeur de l’ordre des Potopoto ? Y ‘a quoi même… « C’est fini » ??
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