Les gardiens du Musée de Cluny, à Paris, sont abasourdis ce lundi matin. Les six tapisseries dites de « la Dame à la Licorne » ne sont plus telles qu’ils les avaient laissées dimanche soir, en partant. Ces magnifiques œuvres tissées, datant d’environ 1489, et qui sont l’un des temps forts de la visite du Musée, celles que le monde entier nous envie ?
« Oui, Monsieur Dumesnil, venez tout de suite, il y a un énorme problème ! »
Les gardiens appellent leur chef, qui accourt, constate puis blêmit, s’assied sur le sol comme victime d’une attaque, le souffle court.
On le transporte dans son bureau, où il s’agite, parle, téléphone, puis retourne dans la salle semi obscure où sont montrées au public les fameuses tapisseries.
Bien sûr, le Musée est fermé pour la journée (au moins).
La police arrive, les enregistrements vidéo des caméras de surveillance vont être regardés minute par minute. Au Ministère de la Culture, c’est l’inquiétude, mais par une chance inouïe, aucune information n’a encore filtré dans la presse.
Il est midi, une cellule de crise a été formée. Retour dans la salle dédiée à la série de « la Dame à la Licorne », un petit groupe nerveux s’y trouve.
Le Ministre : Bon, Gardien Duranton, c’est bien comme ça que vous vous appelez… redonnez-moi votre version des faits.
Gardien Duranton : Hé ben, M’sieu le Ministre, comme j’ai dit à mon chef (désignant le Directeur du Musée, pâle et la cravate défaite, Antoine Dumesnil), on est arrivé ce matin avec mon collègue Diawara, on a allumé les lumières tamisées, vous savez parce que c’est pas plus de cinquante lux sinon les tapisseries elles vont s’étioler, et donc on les a pas trop regardées, mais Diawara il se met à rigoler et il me dit « dis-donc, ta Dame, là, elle est partie ! » Alors je lui fais : » arrête Diallo, tu vois bien que les tapis ils ont pas bronché » et comme il est mort de rire, je m’approche, je les regarde de près et là, je vois !
Dumesnil : Oui, Monsieur le Ministre, rien n’a été touché ni altéré, les tapisseries n’ont pas bougé d’un millimètre et aucune alarme ne s’est déclenchée cette nuit. (Il prend à témoin le Préfet de Police et ses deux officiers, tous les trois raides et crispés) Et je puis vous dire que les systèmes avaient été changés il y a deux ans à peine, avec des installations neuves de haute technologie japonaise, et sur un budget en équilibre, je puis vous l’assurer !
Le Ministre : Et personne n’a rien vu, rien entendu ? Et les rondes de nuit, ont-elles été effectuées correctement ?
Dumesnil : Monsieur le Ministre, bien sûr, tout est encore consigné !
Le Préfet de Police : Et aucun rapport suspect du commissariat tout proche et des voitures qui patrouillent dans le quartier, de façon opérationnelle et planifiée !
Le Ministre : Mais enfin, de quoi s’agit-il ? Une bande de plaisantins ? Une attaque terroriste ? Nous allons recevoir une demande de rançon ?
Expliquez-moi !
C’est ainsi que démarra l’un de mystères les plus épais de notre siècle. En effet, les tapisseries étaient à leur place, sans preuve aucune d’effraction, ni de vandalisme, ni le moindre résultat probant après la longue suite d’analyses chimiques et aux rayons X qui fut effectuée. Des experts ont scanné jusqu’aux fondations du bâtiment. On fit venir discrètement un radiesthésiste et un voyant pas trop illuminé, mais en vain.
En effet, la dame avait simplement disparu de tous les motifs ! Six au total, représentant les cinq sens plus un sixième, inexpliqué de façon claire et qui le restera donc encore longtemps.
Elle était évanouie, effacée, partie, supprimée, enlevée.
Il restait bien la licorne, le lion, tous les autres petits animaux, le miroir, les arbres et les fleurs, mais elle, personnage principal donnant son titre au chef d’œuvre n’était juste plus là, laissant un siège vide et un foulard blanc posé à l’endroit où elle aurait dû se trouver.
Une habitante âgée du Boulevard Saint-Michel affirma un jour qu’elle avait croisé un soir une fort jolie dame en habits médiévaux à l’arrière d’un scooter piloté par un type avec une drôle de casque (une « salade » avait elle dit) alors qu’elle rentrait de nuit chez elle, mais personne ne nota son témoignage.
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