jeudi 8 avril 2010

La nouvelle de science-fiction la plus banale jamais écrite



Encore une fusée moyenne qui s’envolait, comme cela avait été logiquement planifié, vers les étoiles. Le très normal commandant John Smith et son équipage sans histoire partaient (en soupirant légèrement, mais pas trop) pour une autre mission de routine. Le décollage fut très bien, sans souci à noter.
Ils atterrirent sans heurts sur la planète inconnue qu’ils recherchaient, à la seconde, à l’heure et au jour prévus.
Les extraterrestres étaient normalement hostiles, ils furent classiquement abattus.
Les commandos embarqués les tuèrent méthodiquement sans pour autant s’amuser, ils eurent quelques blessés comme cela était prévu dans les statistiques, blessés correctement abîmés mais sans excès, qui furent confiés au médecin de bord blasé qui en avait vu d’autres, depuis 35 ans qu’il faisait ce métier.
La planète fut baptisée X-142, sans effort d’imagination, elle contenait sans surprise les minerais usuels mais guère précieux, des forêts ennuyeuses peuplées de quelques végétaux inconnus mais pas révolutionnaires, ainsi que deux océans mornes, battus par des vents moyens.
Un hiver, trois étés, deux pôles, quatre continents : pas de quoi se relever la nuit. Deux lunes pâles brillaient dans un ciel nocturne sans oiseaux, ni chauve-souris. La mission était accomplie, point final.
Une fois encore.
Personne n’aurait de nouvelle médaille, juste quelques points de retraite de plus, calculés comme il se doit, par la mutuelle des pensions standardisées pour astronautes syndiqués.
Après une semaine et pas plus, John Smith signa sans enthousiasme le formulaire autorisé pour le rapport de mission, rempli (sans fautes) par son lieutenant effacé, Jean Dupont, puis photocopié en deux exemplaires pour archivage par leur mince et discrète secrétaire de bord, Maria Dos Santos. Erik Larsen, le pâle chef mécanicien annonça que les moteurs étaient révisés comme il est écrit dans le manuel d’entretien.
Ils pouvaient commencer le compte à rebours pour le voyage de retour vers la Terre. Tout le monde embarqua dans la fusée, juste à l’heure ; La mission était pliée, finie, emballée ; « Tick in the box », eut dit Klaus Schmitt, le radio de bord aux habitudes huilées comme un engrenage de coucou suisse.
Ils suivirent les procédures règlementaires. Le redécollage fut bien exécuté et la trajectoire de retour exactement programmée.
Mais, en fin de trajectoire d’approche l’ordinateur de bord signala simplement que la Terre n’était plus là, un bête accident nucléaire l’ayant effacée du registre gris des planètes référencées.

John Smith demanda calmement que l’on fît cap sur X-141.

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