mardi 29 juin 2010

Ménagerie (jaune)



L’homme était coincé. En fuite, haletant, pourchassé mais tout à fait coincé. Et il allait devoir choisir, vite, une solution…
Pourtant, tout avait bien commencé : les systèmes d’alarme du Louvre avaient été neutralisés, un peu trop facilement, d’ailleurs.
Il avait réussi -avec deux comparses- à dérober trois tableaux de maîtres italiens, de petit format et faciles à glisser dans un sac à dos. Valeur inestimable, invendables sur le marché, mais facilement négociables contre rançon discrète. Les journaux ne donnaient jamais les montants des rançons ; d’ailleurs une fable était toujours jetée en pâture au public, où il était question de coup de chance ou alors de brillante action des forces de l’ordre.
Les rançons provenant du Trésor Public, tout devait rester le plus politiquement correct possible…rigueur grise, économies sur les dépenses publiques et budgets en baisse obligent.
Mais là, cela tournait mal. Alerte soudaine, sons assourdissants puis changement d’atmosphère en une fraction de seconde.
La poursuite sur les quais avait été rapide, violente et courte. Ses deux complices avaient été stoppés, l’un par une balle dans l’omoplate, l’autre par un véhicule banalisé qui avait percuté leur moto, Quai Saint- Bernard.
Notre homme avait couru, les tableaux encore dans son sac, puis pris un sens interdit, et encore sauté au dessus d’un haut mur, entraîné par des années de pratique et de performances athlétiques. La ménagerie du Jardin des Plantes, la nuit, l’été… Le bruit des sirènes, une course poursuite entre lui et quelques gardiens, vite rejoints par les premiers policiers. Pensant trouver une cachette, traqué comme le gibier dans une battue, il bondissait d’enclos en enclos. Le bouquetin l’avait chargé sans hésiter.
Il fit une chute sur le flanc, mais repartit à toute allure. Il se prit les pieds dans les abreuvoirs peu profonds mais glissants des poudous. L’odeur des gaurs et des anoas était si forte dans le petit abri en béton, qu’il en sortit comme un diable et courut de plus belle. Le yack l’effraya et il passa en flèche en réveillant un takin femelle, puis le bharal lui se mit à bramer et le couple de markors qui dormait debout l’observa d’un œil indifférent...
Évitant la fauverie, en réparation depuis des années, il repiqua par l’allée du coté des nandous, ces autruches bis sans légende à traîner et des petits maras, incertains dans leur démarche, comme leur classification dans le règne animal, ceci dit. L’éclair agile d’une torche le fit sauter au milieu des wallabies, puis des cabiais et il fit bruisser de rage les émeus en passant en trombe au milieu de leur fierté blessée.
Là, il était coincé, entouré par des chiens des buissons qui montraient les dents. Il se rappela qu’étant enfant, tenant la main de son grand père, il avait bien lu la mention « carnivore » sur la plaque descriptive de l’espèce. Mais protégée, bien sûr, l’espèce.

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