lundi 22 novembre 2010

La vérité sur "l'affaire de Karachi"



Le sous-marin avait été acheté par le sergent Abdoul pour son petit cousin Zia, dans le magasin-bazar tenu par le « Français », en fait le vieux Shak Zirak, un tamoul amoureux des vieilles reliques et surnommé ainsi car il avait travaillé autrefois dans un chantier naval, à Saint-Nazaire. 
Le commerçant octogénaire était un malin, toujours prêt à serrer les mains des clients, demandant des nouvelles de toute la famille et n’hésitant jamais à complimenter un éleveur sur la qualité de son bétail, se rendant même année après année à la Foire au bétail de la Porte de Kersaï. 
Il avait bien failli être inquiété pour ses méthodes comptables parfois un peu obscures, mais le plus amusant restait que les gens du village l’appréciaient davantage chaque jour en le voyant vieillir et rester fidèle au poste derrière son comptoir mal éclairé de la rue DeuGhaull. 
Et le sous-marin ? Un joli jouet made in China, en plastique vert foncé, pour batifoler dans la rue, en imitant les actualités belliqueuses vues sur une télévision à l’image pleine de neige. Les enfants étaient insouciants et n’oubliaient pas ce que leur avait dit Grand-mère Mhâm. Il fallait penser aux commissions de tonton Hay Douar ! Resté lui aussi là-bas en France, il travaillait dur dans un ministère, à l’intérieur, au service entretien. Il leur envoyait des mandats par Universal Cash, attendus par toute la famille, et de temps en temps, on lui préparait donc un carton de commissions avec de bonnes spécialités locales qui transitaient vers l’Europe grâce aux bons offices de cousin Baï « le Roux », employé au sang triste, chez un transitaire de Karachi. Tonton Hay Douar pensait souvent avec nostalgie à ceux restés au pays des Mille Epices pour tenter de grappiller quelques miettes de richesse et de pouvoir tout comme, ses deux petits frères, encore à l’école primaire. Il s’agissait de Vhil Phin (un grand maigre qui se prenait pour Gengis Khan) et de Sarkh Zi (un tout petit nerveux qui se prenait pour lui-même), ses deux cadets qui aussi voulaient toujours faire les commissions, mais hélas chacun avait ses idées bien à lui. 
Le petit Sarkh avait décidé de se montrer fidèle aux goûts classiques du vieil Hay Douar, avant de penser à monter à son tour dans un bateau et en être le capitaine comme il en rêvait depuis toujours. Tandis que Vhil préférait les livres d’histoire et aller jouer à découper de vieux listings bancaires avec des séries de chiffres et de noms bizarres, dans l’arrière-cour sombre du magasin de Sirak, en compagnie du petit-fils d’un ancien général borgne et amnésique, appelé Rhon Dow. 
Un jour, les camarades de classe des petits garçons, énervés par le fait que leurs mères leur avaient dit d’arrêter de faire des commissions au marché et les ayant privés de petits sous-marins ont décidé de mettre des pétards à mèche dans l’autobus scolaire. Et c’est là que tout a commencé à se gâter !

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