dimanche 12 septembre 2010

Un film magnifique : Benda Bilili !



Courez voir ce film , Benda Bilili !

Documentaire poignant et saisissant sur des musiciens de Kinshasa (République Démocratique du Congo), filmé dans la durée depuis 5 ans.

Les deux cinéastes français les ont rencontrés, alors qu'ils vivaient leur existence hallucinée de survivants, handicapés ("polios" aux jambes atrophiées pour la plupart), dans les rues de cette ville géante qui a l'air totalement fracassée et invraisemblable. C'est une bande improbable, bringuebalante, mais ils sont tous unis entre eux par des liens forts , une adhésion à une but suprême : sortir de cette putain de vie de merde, même quand on dort dans la rue, avec aussi peu d'argent que le plus pauvre des pauvres.

Aujourd'hui"hui, ils ont accompli un rêve : enregistrer un album, devenir célèbres, peut être quand même un peu riches et même faire des concerts en Europe... alors qu'ils dormaient encore récemment sur des "tonkars".

Des quoi ? oui, des cartons, dans leur langue (le lingala où percent des mots français parfois aussi tordus que leurs corps).

Ce qui est beau, c'est leur parcours, leur unité et bien sûr leur indéfectible foi en la vie.

Ces hommes jouent de la musique avec des instruments improbables, de guitares à une corde ou des percussions élémentaires posées sur une chaise en plastique !

Ils répètent à ciel ouvert, sous des arbres penchés, dans un zoo défoncé et créent des morceaux superbes, avec une passion et une joie communicatives.

Il faut les voir, faisant de la musique, trônant avec dignité dans leurs "sièges" de handicapés, bricolés avec des morceaux de mobylette et des sièges de récupération, motivés et souriants, empreints du rythme et de la grande vibration de la terre africaine : c'est bluffant.

Car ces hommes ont la noblesse et la classe des blues men de Chicago ou du Mississippi, leurs lointains descendants. C'est bien ce qui émane de Papa Ricky, le plus âgé, donc le "vieux " qu'on respecte et qui conduit tout ce petit monde boiteux vers le succès, ce rêve inespéré.

Papa Ricky, tu ressembles à John Lee Hooker, c'est moi que te le dis.

Bon sang les gars, on va pouvoir s'acheter un matelas peut-on lire dans leurs yeux, alors qu'ils se partagent 800 dollars à 15, après leur tout premier concert payé !

(Ce que gagne un footballeur chez nous, le temps qu'il s'enlève une crotte de nez.)

Mais là n'est pas la question, tellement on sort de ce film avec un sourire large comme le fleuve Congo.

Avec eux, autour d'eux, jour et nuit une myriade d'enfants des rues, certains étant leur progéniture, d'autres des petits bonshommes errants... comme ce Roger qui les rejoint, à l' âge de 15 ans, par l'entremise des 2 réalisateurs qui ont été conquis par son talent.

Roger brûle d'une flamme invincible. Ce garçon a l'oreille absolue et il a fabriqué un instrument avec une boîte de lait vide, un bâton courbé et un fil de nylon.

Par on ne sait quelle magie, ce système produit de sons , joue toutes les notes et peut s'accorder au demi-ton près. Si l'invisible existe, il se niche entre l'âme de Roger, ses mains et les mélodies aiguës et entêtantes qu'il produit, en vous regardant dans les yeux comme si chaque note émise le rachetait de l'enfer.

Et l'enfer, il est là, juste à côté.

Jérôme Bosch avait peint des tableaux qui seraient juste un peu en dessous de la réalité de Kinshasa.

Il n'avait pas imaginé des matches de football avec des types qui n'ont pas de jambes, des rues défoncées et une jungle urbaine tentaculaire traversée par des trains à bout de souffle, qui avancent surchargés d'un peuple étonné de vivre encore chaque matin, avec des prédicateurs qui hurlent dans leurs oreilles, des incendies dans les centres pour orphelins et des blindés de l'ONU qui patrouillent encore un peu partout.

En fait, il aurait aussi oublié quelque chose.

Même en enfer, il y a encore des hommes qui rient en montrant des dents blanches, et qui croient que le destin peut se retourner comme une voiture sur la route.

Et ça, c'est fort;

Très très fort .

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