jeudi 24 décembre 2009

Un conte de Nono


Pierre, le SDF sexagénaire est emmitouflé dans son sac de couchage troué. Il a trouvé un piètre refuge au bord du Périphérique Ouest et il n’en revient pas. Une mamie, genre Neuilly-Versailles est en train de le réveiller. Et de lui parler. Il émerge de son état gazeux. Il tousse fort et ouvre grand les yeux. Il a vachement froid.
La veille, il a fini la demi-bouteille de Sidi Brahim éventé qu’il avait trouvée dans une poubelle.
-« Juste avant Noël, les gens, y jettent n’importe quoi ! », a-t-il dit avant se s’assommer pour une nuit sans rêve et sans confort. Sales temps, mec. Et son chien qu’est crevé y’a une semaine, il a vraiment super froid. Ça caille un max.
Alors, la vioque, elle lui parle et elle dit :
-« Tenez, brâve homme, une petite obole et ouh ouh, Joailleux Noelle », avec son ton besse-beige caractéristtikk, en lui tendant une enveloppe. Elle fait demi tour rapidos, et remonte dans sa limo’ noire qui l’attend juste à côté çacom et « vroum vroum » , elle se casse.
Le SDF, ouvre l’enveloppe et compte les bifetons. Il recompte. Dix mille euros en billets de deux cents.

Mamita Malouda vient du Mali. Dans son deux pièces galeux de la rue de Picpus, loué 950 euros de la main à la main au proprio qui vote Front Nat’, ils sont 9 à dormir et elle, elle fait à bouffer et le ménage pour tout le monde. Tous les jours. On sonne à la porte. Aïe, mon vié ! Là même, avant Noël, hein-hein, si c’est une recommandée pour payer, y’a quoi, des factures ou bien yâw, la convoc à la Préfecture pour nous expulser, c’est trop pas bon !
Elle ouvre. Wô ! Là c’est vieille française, genre beaux quartiers qui vient quoi. Elle dit : « Tenez, brâve femme, une petite obole et ouh ouh, Joailleux Noelle », et elle part là même, aussitôt vite fait dans sa voiture. Elle regarde par la fenêtre et voit la Merco noire, comme ça même, façon-façon joli chauffeur et grand ministre. Ho ?
Mamita Malouda ouvre l’enveloppe et pousse un cri : « L’arzen ! L’arzen ! Dix mille éro ! »

Dans sa limousine noire et allemande Madame de K., héritière des bio-cosmétiques l’Aréole Inc., la femme la plus riche d’Europe occidentale reçoit un appel sur son téléphone Vertu en titane serti de rubis
-« Alllôô ? » dit –elle en faisant sa vieille bouche en cul de poule, avec une touche effacée d’un coûteux rouge à lèvres rouge lie de Château Margaux et qui ne cache plus les rides larges comme des canyons.
« Combien d’enveloppes données ? » dit la voix.
-« Déjàààà dix sept, et Huuubert mon chauffeur sait parfaitement où aller, Paris et si vaaaste, nous pourrons certes donc accéder à votre requête »
-« Bien, dit la voix, encore 133 comme on a dit et je relâche vot’ pitite famille sans en flinguer un seul. Et vous avez jusqu’à demain, le 24 décembre, minuit. Tiens, allez, c’est bientôt Nono je vous passe votre fille »
-« Maman ? Dépêchez-vous, donnez vite les enveloppes aux pauvres, comme il vous dit. Il a déjà abattu tous les Yorkshire ! »
-« C’est bien noté Lise-Chaaarlotte. Courâge, pensez que j’ai fait la Guerre, moâ. Bon, je raccroche. »
Elle ferme le clapet de son téléphone somptueux, regarde par la fenêtre et sursaute :
-« Huuubert, arraithhhez vous là. Je vois un pauvre, et tendhhez moi donc une envelhôppe. »

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