lundi 17 janvier 2011

Sediator, effets secondaires, ère glaciaire


Le procès retentissant de Charles-Henri Morviex était terminé et ce dernier passerait désormais les dernières années de sa vie en prison. 
De la Légion d’Honneur et Neuilly-sur-Seine à la déchéance des droits civiques et une cellule à la prison de La Santé…  Avec lui, une centaine de ses collaborateurs furent reconnus coupables d’actes graves et condamnés à des peines et amendes diverses. De plus, 378 fonctionnaires des autorités sanitaires plus ou moins impliqués, mais clairement identifiés, subirent les sanctions les plus lourdes inscrites dans le code de l’Administration. 
La faillite du laboratoire qui portait son nom n’était plus qu’une question de semaines, accablé de poursuites menées avec rage par de nombreuses associations de patients et des brigades d’avocats armés de dossiers lourds comme des blocs de marbre. Les ventes se rapprochaient du zéro absolu à une vitesse jamais encore vue dans l’histoire économique. 
Désormais, aucun médecin ne voulait prescrire le moindre médicament des laboratoires Morviex, fut-ce dans une autre aire thérapeutique ! Leurs visiteurs médicaux n’avaient plus le droit d’entrer ni chez les médecins généralistes, ni dans les hôpitaux. 
Leurs installations étaient la cible d’attaques terribles et deux d’entre eux avaient déjà été la proie de violents incendies. Les démissions se succédaient, à tous les postes… qui voudrait dire à ses enfants le soir au dîner « oui, Papa travaille chez Morviex » ? Tout cela à cause du fameux « Sediator »… ce somnifère qui avait déchaîné des tempêtes, déclenché la furie de l’Etat comme du grand public et jeté l’opprobre sur l’ensemble des entreprises pharmaceutiques. 
Les journaux avaient rapporté que le laboratoire Morviex avait falsifié les documents, fait mentir les études, influencé des décideurs, assuré des subventions, payé des milliers de repas et de chambres d’hôtel, sponsorisé des congrès, infiltré les commissions, noyauté les administrations, utilisé ses alliances et distillé son influence afin d’obtenir son AMM (autorisation de mise sur le marché), sans oublier de bien travailler son image via un efficace service de « public relations » et surtout de faire vivre un lobbying discret et puissant en tant qu’entreprise « nationale »…générant des emplois et des impôts. 
Mais de quoi s’agissait-il en fait ? Une histoire incroyable, une anomalie moléculaire exceptionnelle qu’aucun scientifique ne pourrait jamais expliquer !   
Après la prise de 197 comprimés (pas moins de 197 mais au moins 197, rappelle-t-on), le patient pensant se soigner contre l’insomnie commençait à changer un matin et devenait en une nuit un clone parfait de Fabrice Besson-Feux pour les hommes (y compris la fourberie) et de Rachida Groyal pour les femmes (y compris la voix). 
Et ça, c’était vraiment gênant.  

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