mardi 14 décembre 2010

Mais qu'était-il donc arrivé ?



La capsule Solarus 8 avait commencé sa phase d’approche et de retour sur Terre. Les trois astronautes avaient lancé toutes les opérations, enclenché les processus complexes et très techniques qui permettaient leur descente en toute sécurité. Contrainte unique : être en mode de réception passive et pas de possibilité d’émission de leur part pour toutes les formes de communications pendant les trois dernières heures de la descente rapide. OK 5/5, la plongée finale se déroulait correctement, les hommes solidement attachés, la capsule vibrant et résistant aux énormes pressions extérieures.
Soudain, la radio de bord transmit un message affolé, mais interrompu : « évacuation immédiate, procédure d’alerte maxim.. ». L’un des astronautes appuya immédiatement sur un bouton de recherche de stations et capta un autre message, mais dans une langue inconnue de lui, noyée par les parasites et le ton en semblait assez alarmé. Puis, plus rien, aucune émission dans le spectre des fréquences pourtant large dont ils disposaient. Ils activèrent le code de secours, le balayage express et le mode manuel, mais aucun écho ne parvint à cette requête. 

Ce fut surtout dans la phase ultime que l’inquiétude grandit en eux. Survolant de nuit le continent européen, ils apercevaient les lumières des zones habitées et des grandes villes. Mais ces lumières semblaient vaciller, hésiter, et elles s’éteignaient par morceaux entiers. Vu de l‘espace cela ressemblait à un sapin de Noël sur lequel on enlève des guirlandes en un geste brusque. En revanche, d’autres taches de lumière vives et orangées apparaissaient en des endroits auparavant noirs, et ce, y compris dans les zones montagneuses ou maritimes. 
De plus, abasourdis ils virent l’espace aérien encombré d’aéronefs de toute sorte, et au moins une dizaine de fusées décoller, allant dans la direction opposée à la leur, les croisant de fait deux fois plus vite, laissant un panache de fumée montant droit vers le ciel. L’une des fusées explosa en plein vol, juste au dessus du Maroc, une autre retomba en direction de la France dans une fumée noire.
Ils virent quelques flashes de lumière, et quelques éclairs dus à de gros orages vers la Toscane et la Corse. Puis, tout fut plongé dans le noir. D’un coup. Ils allaient amerrir un peu au large de l’Espagne dans l’Atlantique, et devaient comme prévu y attendre le navire de récupération. 

Mais le navire n’arriva pas et la radio restait désespérément muette. Ils gonflèrent l’embarcation de secours et commencèrent à ramer en direction de la côte, d’où plus aucun phare ne lançait de lumière. Sur une mer grise, avec un vent sinistre, hurlant et des nuages épais qui n’annonçaient rien de bon. 
(D’après Dino Buzzati, in « L’écroulement de la Baliverna »)

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