mercredi 1 décembre 2010

Les 3 clés du naufrage



Les trois clés du naufrage

Clé UNE : le Commandant libertin

Mes respects, Monsieur ! Vous… vous devez être Saint-Pierre ou une autorité portuaire céleste très gradée ?
Bonjour, je me présente : Commandant Norbert du Frageur de Kerécif, et j’étais seul maître à bord après, euh… votre patron, sur le paquebot Toutanik 4. Et je présume que si je suis là, devant vous, qui êtes entouré de ces créatures célestes, dans cette atmosphère éthérée et avec cette musique où résonnent hautbois et flutes légères, c’est bien qu’un incident majeur de navigation s’est produit. 
Laissez-moi me remémorer un peu. Ah, oui ! Nous avions appareillé du Havre le 2 décembre 2010, et c’était le voyage inaugural. Bien…Je revois tout ! Le Toutanik 4 était le tout nouveau navire amiral des Croisières Déridées, « le spécialiste des personnes âgées proactives et dynamiques qui veulent en profiter » comme dit notre slogan. Pensez, trois mille passagers entre 61 et 97 ans, 52% de veufs, 43% de divorcés, 2% d’échangistes et le reste embarqués par erreur. Quatre ponts, dix sept saunas mixtes, cuisine au gingembre, quinze salles de bal, dix-huit orchestres dont un de « salsa » et un de « rap », water beds, portes communicantes entre les cabines, speed dating et distributeurs de Viagra à volonté, bref : la totale pour une croisière idéale ! 
Le Toutanik 4, navire insubmersible, imputrescible, équipé des toutes dernières technologies de I-radar, avec énergie solaire, moteurs nucléaires, voguait donc vers Punta Canon, la baie des Seniors qui s’adorent. Je me souviens, dans la nuit du 2 au 3 décembre, après un excellent repas bien arrosé de Margaux millésimés, j’avais ouvert le bal et une nuit de feu a démarré. 

Vers 3 heures du matin, je marivaudais de façon galante dans ma cabine avec une paire d’accortes jumelles, des divorcées de Kensington très dynamiques, quand j’entendis et sentis un choc épouvantable ! Le navire se mit à gîter en un instant. Je voulus accourir au poste de pilotage, mais ne pus me lever. Les coquines britanniques m’ayant menotté sur mon lit, elles sont parties en hurlant et…JE N’AVAIS PAS LA CLEF !       
  
Bien, cher Saint-Pierre, me voici là devant vous, un peu à dénudé, si j’ose dire…mais quelle est la suite du programme ?

Clé DEUX : le rappeur de service

Oh zyva, t’es qui toi ? Le Dieu Bon, mon Père Grand ou le videur de l‘entrée d’la vie éternelle ou quoi ?
Yo ! J’me présente, Red Chapron, chanteur dans l’groupe de rap « Nik La Mer ». On cachetonnait à donf pour la thune, sur un bateau pour les vioques, là un to-ba tout blanc, qui faisait péter la croisière des papys et des mamies qui veulent encore se la donner grave avant de partir des pieds vant-de !
Hé, ho, ces quoi ces bombasses qui t’entourent là, avec des p’tites z’ailes et des tenues transparentes, on dirait Lady Cracra dans ses clips sans le slip ! Mais, wesh, ta zikmu qui résonne tout partout, elle craint un max. C’est quoi ces flutes de pan, on dirait les chiliens du tro-mé !  Bon ! J’présume que si j’chui là devant toi, c’est que je suis mortibus, aussi raide que l’Empire State à Nouillorke ?
Laisse-moi me rappeler. On était partis, on avait largué les zamarres, quoi avec les cornes de brume et tout ça, le 2 décembre du Havre, Normandie plus loin que Mantes la Jolie, tu vois, et c’était la première du to-ba, tout neuf, nickel comme la cuisine à ma mère, impec comme un paire de Nike qui sort de la te-boi. 
Attends ! Trois mille vioques, excités comme des oufs, tous prêts à se brancher, à donf sur la dance, avec salsa et valse comme au mariage de mon zin-cou, et même nous, le groupe de gangsta rap pour se la jouer djeuns ! Des restaus ce-cla, des saunas où on va à oil-pé : allez hop ! Et même des  p’tites pilules bleues gratos dans tous les couloirs, pour que les papys y soient parés à l’abordage dans les cabines ! 
Attends ! J’en ai ké-pi une poignée au cas où y’aurait un bleme avec une meuf. Donc, ouais, la nuit du 2-12, on avait fait notre set, cool, on avait fé-bou avec les autres, bu du pinard classos piqué au captain de machin de chose, là, le pacha, et puis j’avais mé-fu un méga tar-pé que m’avait passé un musicos de l’orchestre de salsa. Raide def, le Chapron ! Je vais au pieu et je ronfle, là, direct ! Tout à coup, boum, crac, ça pète, ça bouge de partout, le to-ba y fait du hip hop. J’me réveille du coma… J’me lève pour me tirer d’là vite fait, mais j’avais claqué la lourde et ….J’AVAIS PAS LA CLEF !

Bon auréole man, me v’là devant toi, on va causer un peu !

Clef TROIS : la rock star calamiteuse

Salut à vous…hé ! ’ Seriez pas le patron du Hard Rock Café de l’au-delà ? Le « manadgère » des âmes en fin de contrat ? Moi c’est Glam Sam the Magic Stick, enfin Jean-Gérard Smot à la ville. J’étais rock star, bon, chanteur dans un groupe de bal à Mufflins, Seine et Oise, depuis quarante piges. Mais c’était fini tout ça et je m’étais payé une chouette croisière pour mon départ en r’traite. Les Croisières Déridées m’avaient vendu une traversée qui devait être pimentée.
Mais… je crois bien que je suis mort, à voir ces choristes déshabillées autour de vous et à entendre ces airs de musique classique en fond sonore ? Attendez, ça revient ! Départ du Havre, prix promotionnels pour traversée pleine de surprises. Et des surprises il y en a eu ! D’abord, les œillades de la chef navigatrice du Toutanik 4. 
A peine arrivé dans ma cabine, je reçois un mot, dans une enveloppe rose qui sent bon. Une fan !! Pour le dîner du premier soir, elle m’invite à la table du Commandant Nono le naufrageur du récif. La grande classe ! Champagnes millésimés, pinards d’anniversaire, farandole de homards, louches de caviar, et les meilleurs digestifs. 
Me voilà pompette, à environ 6 ou 7 sur l’échelle de Richter. Je vous rappelle qu’à 10, on n’se souvient plus de ce que l’on a fait la veille ! Moi si. Après les slows la chef navigatrice me dit d’un air entendu : « Glam Sam,  je vais te faire visiter mon poste de pilotage automatique, là haut sur le pont supérieur » Ouais, compris ! 
Bref, vous voyez comment ça a pu dériver… chaud devant. Nous voilà en mode mikado sur la table à cartes, au milieu des ordinateurs et des pilotes automatiques. Hardi petit, j’ai retrouvé mon jeu de scène d’il y a vingt ans ! Tout à coup, pan ! En plein remix inversé, elle se cogne la tête et elle tombe dans les vapes sur le clavier de commandes. 
Alors festival de bips, concert de blings… et le radar I-Pad a causé tout seul : « course réinitialisée, mode iceberg désactivé, entrez le code de sécurité… » Paniqué, j’essayais de la ranimer, mais im-pos-sible de la faire bouger. J’ai alors vu qu’on se dirigeait droit sur une masse de glace haute comme le Zénith de Paris ! L’écran clignotait, réclamait son code en sol mineur pour se mettre à rejouer…  

ET JE N’AVAIS PAS LA CLEF !   


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