dimanche 5 septembre 2010

Le dernier RER (2/2)



Flûte, encore trahi par la batterie ! Tant pis pour le chronométrage, je le range dans ma poche et aperçois les deux ados qui poussent un petit cri au même moment, l’air dépitées. Je souris en me disant que les batteries des portables sont décidément peu fiables.
On arrive donc à Charles de Gaulle- Etoile dans une vingtaine de secondes. Je me vois déjà montant quatre à quatre les marches de l’escalier roulant pour sortir de la station, passant à travers les immenses couloirs bardés de publicités.
Le temps passe.
Je rêve, ou cela fait au moins une minute de trop que nous filons encore à toute allure dans le souterrain noir ?
Le temps s’écoule, je me demande ce qui m’arrive. Trop surpris pour penser, juste absorbé par les secondes qui filent et le bruit assourdissant du RER.
Tous les passagers sont nerveux, bougent, murmurent quelque chose pour eux-mêmes ou leur voisin.
Le black et le vigile sont debout, tendus, près des portes, ils semblent être prêts à bondir. Le rappeur a enlevé son casque. Nous nous observons tous, à tour de rôle en de grands regards panoramiques et inquiets.
Nous nous adressons aussi de grands gestes muets d’impuissance, en levant les épaules. Le chien du vigile s’est redressé, il est agité, il lance un aboiement bref, son maître tire nerveusement sur la laisse.
Le RER file toujours droit, grinçant et hurlant de plus belle.
Les deux filles se serrent fort dans les bras l’une et l’autre. Elles parlent vite.
Les deux retraités ne disent rien, ils restent tassés sur leurs sièges, abattus, ils se donnent la main.
D’interminables minutes continuent de s’écouler me laissant une impression croissante de froid sur l’estomac. Le bruit de la rame qui file et tangue semble anesthésier tout le monde. Le rappeur nous montre à son tour, sans dire un mot, que son portable est aussi muet…
Le vigile soudain tire sur le signal d’alarme. Rien ne se passe.
Cela doit faire au moins dix minutes que nous roulons ainsi, et aucune station n’est en vue, nous roulons dans le noir des couloirs souterrains, entrecoupé de pâles lumières.
Il fait vraiment très chaud, malgré les fenêtres ouvertes.
Encore deux ou trois minutes qui semblent des heures, et le RER ralentit soudainement. Nous nous regardons tous à nouveau, avec des mines interloquées et inquiètes.
Une lumière mauve éclaire le souterrain. Nous arrivons en station, tout doucement.
Le RER s’arrête. Silence. Pschhhh. Les portes s’ouvrent enfin.
Je regarde les immenses murs blancs carrelés de la station, baignés par cette lumière mauve. Je lis et relis ce que je vois. Il est écrit « Ch@rle de Gaule H&itoil ». Et ceci est répété partout, à l’identique.
Les espaces publicitaires sont vides, un espace gris les remplit.
Nous descendons du wagon, hébétés et nous regardant, sans oser trop avancer. Je vois les passagers des autres wagons, disséminés sur le quai, peu nombreux. Chacun hésite, scrute les autres.
Sonnerie de fermeture des portes, nous sursautons tous.
Fermeture brusque et le RER repart...dans l’autre sens !
Silence dans la station. J’essaie en vain de rallumer mon téléphone.
Des bruits de pas précipités et des cris bizarres résonnent soudain dans le couloir de sortie juste en face nous.

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