samedi 24 juillet 2010

Ceci est encore moins une critique du dernier album de Prince



Dans l’autobus à bout de souffle assurant la navette entre Crabtown, Ohio et Goatville, Ohio aussi qu’est-ce que vous croyez ?, les sièges passagers n’affichaient pas complet.
Au premier rang, un vieillard, afro américain et fatigué y lisait un magazine froissé, le Sign o’ the Times, à travers ses épaisses lunettes rafistolées, mais il les baissa pour regarder le contrôleur voûté et peu engageant, dont le prénom -Marcel E.- était rappelé sur son badge, agrafé non loin d’une cravate tachée.
« Alors, old timer, on va lire son journal, manger un sandwich sans gluten ou faire un petit somme pendant le trajet ? » murmura-t-il avec ironie.
« Oui pour le petit somme, si les cahots le permettent », répondit avec aigreur le vieil homme, se rappelant que le balancement d’un bus sur la route fait sommeiller 2 fois plus vite qu’un rocking chair, non sans avoir fait une grimace à son énorme voisine, une Latino usée et sans doute femme de ménage, avec des jambes épaisses comme des contrebasses.
On entendit peu après la voix du chauffeur, un certain Bloke Nelson : « Tout se passe bien, notre vitesse de croisière a atteint son plateau de 55 miles per hour, vous pouvez détacher vos ceintures et vous mettre à ronfler ! »
Sur ces entrefaites, une musique d’ascenseur d’hôtel soporifique envahit l’autobus, y compris les derniers rangs crasseux.
Chacun avait déjà absorbé une, voire deux boissons gazeuses, ou peut être quelques comprimés calmants bon marché achetés au supermarché du coin, voire un sandwich bien cher et sous cellophane fourni par une station service trop éclairée ou une petite épicerie miteuse. De fait, tous se mitrent donc à somnoler, sans exception, y compris le chauffeur et le contrôleur, qui laissèrent avancer tout seul et à faible allure le bus diesel vers sa destination. Il filait droit.

La torpeur se prolongea plusieurs heures, apathique et triste, puis les passagers sombrèrent un à un dans un sommeil abrutissant, alors qu’un air sec et conditionné fut diffusé au dessus de tous les sièges. Des couvertures pudiques furent cependant sorties par quelques passagers, qui eurent le mauvais goût de ronfler de façon sonore.
Peu avant l’arrivé, tous furent réveillés avec brusquerie et eurent droit une petite bouteille d’eau, pour avoir l’air moins fripés à la gare routière. Chacun demeurait renfrogné, aucun clin d’œil complice ni aimable n’était échangé entre les passagers. Une partie de leur esprit planait encore parmi les camions et les panneaux autoroutiers.
On leur distribua un exemplaire périmé du journal « Minneapolis Daily ». Ah, quand même ! Avec le journal, l’album « 20zéro » de TAFYLAS (the artist forever yuppie lame and sour) était offert gratuitement.
Merci Move Bus Lines !

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