lundi 24 mai 2010

Cannes à pêche, pêche à Cannes



Editorial du magazine « Studio Première Movies »

Le Festival est terminé, le palmarès doit de fait être commenté comme il le mérite. Le Jury, présidé par un cinéaste à la personnalité hors norme, Timothée Eisenstein-Palmer, a couronné une série d’œuvres et d’artistes qui eux aussi sortent des sentiers battus.
La Palme d’Or est attribuée à Georges-Reinhardt Vastotikoloku, le metteur en scène austro-birman, pour son splendide film « Worms storms » : un long métrage contemplatif et exigeant au rythme très lent, tourné en dix ans dans l’univers taiseux des éleveurs de vers à soie où l’on devine à contre-jour les poses mutiques et étranges de deux enfants sourds dont les parents ont été tués par les milices d’un gouvernement dictatorial suggéré et oppressant mais seulement deviné par un spectateur en apnée au travers de ralentis sépia montrant une télévision ancienne, dans une pièce vide, éclairée par une fenêtre aux carreaux cassés, avec un rideau déchiré qui vole au gré du vent. La version courte de ce film (3 heures 50) sera diffusée dans deux cinémas du sixième arrondissement de Paris et une salle Art et Essai, au choix à Vesoul ou Dax. C’est l’apothéose pour cette écriture complexe et ondulée, qui permet trois niveaux de compréhension et renouvelle le genre en une provocation magique et déroutante, prenant toujours le cinéphile averti à contre-pied et filmant les poignées de portes en gros plan.
La Palme de la Meilleure Actrice est attribuée à Mouliette Cinoche, qui a déclaré devant un jury, qui sanglotait d’émotion -érudite mais contenue, l’émotion- : « être femme, c’est être sensuellement actrice par la révélation veloutée de la caresse de la caméra théâtrale qui fait de moi le pétale primal de la palette invisible, sauf dans l’œil complice et moqueur de Marcellinos ». Rappelons qu’elle doit cette Palme à son rôle dans « Angoisses mauves » de Marcellinos Zatoplekk, le sino-roumain bien connu des habitués du circuit très underground l’UACLPSPCICV (« Un autre cinéma, le pas simple, pas celui pour les idiots comme vous »).
La Palme d’Or du Meilleur Réalisateur revient (enfin !) à Raymond Lecrantec pour « Vaches, vaches, vaches » un thriller paysan bien de chez nous, avec G.Depardieu, F.Dubosc, un tuniso-australien obèse mais encore méconnu et M. Youn, dont la scène finale du concours de rots, où ils sont tous ivres dans le Flunch de Flinard-sous-Loiret restera dans les annales du Festival. On se souviendra longtemps de l’image de Jeanne Moreau et Catherine Deneuve partageant le même sac Dior pour vomir, lors de la projection.
Logiquement, donc, si vous suivez, Gérard Depardieu repart avec la Palme du Meilleur Acteur et il a roté à nouveau en recevant son prix, mais il la partage avec Jafar Plumpatassic, le serbo-iranien qui illumine le film dramatique « Zwxmpkk, je t’aimais » de son oncle et compatriote Kaffar Mumpgrattassic, dont le regard distancé d’outsider autorise sans conteste ce qu’il met avec force sur pellicule à côtoyer l’infini tout en dépeignant des touts petits riens.
Ce dernier étant par ailleurs absent, car condamné injustement à 125 ans de prison en son pays pour port d’armes sous la douche.
En signe de protestation, le Jury n’a repris du champagne que 3 fois et a demandé avec énergie que l’on serve le caviar dans une cuiller à café et non plus à soupe, au dîner d’après palmarès !
Ces gestes courageux nous démontrent avec éclat que la magie irréelle des volutes nacrés du fumet sirupeux de la gloire éternelle du tapis rouge et de ses à-côtés n’a en rien terni le courage exemplaire et l’esprit humaniste de la grande, merveilleuse, sincère et si chaleureuse famille du Septième Aaaaaaaart.

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