vendredi 2 octobre 2009

Au restaurant asiatique


Quand on va manger au Royal Mandarin, aux Baguettes d’Or ou au Bambou Panda, on est content en général. Moi, oui, beaucoup et toujours.
Passé l’entrée, où l’on est reçu par la courtoisie et les mauvaises dents par Monsieur Li ou Mademoiselle N’Guyen qui vous demande combien vous êtes, même s’il est évident que vous êtes tout seul ou clairement avec les trois sbires qui vous suivent et sourient déjà à l’idée de manier les baguettes.
Monsieur Li ou N’Guyen a un accent à couper au sabre s’il est quinquagénaire, mais s’il a dix-huit ans, il a l’accent de Vitry sur Seine, les cheveux pleins de gel et un T-shirt Nirvana. D’ailleurs, sitôt vos postérieurs installés autour de la table 7, il saisit son I-pod et écrit en direct sur son compte Twitter « MDR, enkor 3 cadres ki viennent bouff des nems sur notes de frais »
On est bien sûr passés devant l’aquarium où des poissons bicolores, en général rouge-orange et blanc cassé, tournent dans une eau trouble en évitant une frégate en plastique et en scrutant avec angoisse leurs défuntes cousines, ces crevettes fumantes qui défilent sous leurs yeux toute la journée.
On s’assied, on nous tend la carte on regarde la carte et on fait : « aah ».
Le menu à 12 euros 80 ou celui à 18 ? A la carte ? On rigole un peu sur des traductions et des tournures orthographiques approximatives comme « Poulet aux amendes » et « Bœuf au Thaïlandais » ou encore « Crevettes poivre à sel ». Facile les gars, et puis Mr Li junior, il est mdr et ptdr de l’ortograf.
D’ailleurs, le restau chinois, il va le faire passer japonais dans un mois ; ce sera les mêmes équipes et les mêmes fournisseurs, mais il y a une carte plus simple
Après réflexion, on croque les chips aux crevettes et on est prêt à consommer classiquement des nems, du porc au curry, du riz cantonais (avec un seul « n », le riz cantonais, pas comme dans cantonnier, ou bétonnais ou harponnais, mais bien comme dans gabonais, lesquels ne se cantonnent pas d’être harponnés et encore moins cantonniers).
Et puis en plus, une petite bière chinoise, non ? Allez, OK, bon on commande !
Pour passer la commande, le jeu est le suivant. Vous dites : » Poulet aigre-doux aux 4 merveilles » et votre hôte dit « P17 » etc., etc.… Ou alors vous dites pour l’aider « S 9 », mais alors il répond sans sourciller et note : « Suprême de Porc haricots noirs ». C’est comme on veut.
On attend plus ou moins longtemps, en écoutant la musique de fond dite « asiatique » faite de lancinants twoing twoing et de tzing tzong tzing, qui n’est pas du tout la musique écoutée par nos hôtes dans leur doux foyer ou sur leur auto radio, et qui préfèrent le vrai et enivrant folklore de la Province du Nord Ouest, soit Nirvana, donc si vous suivez depuis le début.
Bon, on sort les baguettes de leur étui papier et elles font crac parce qu’elles sont attachées par le milieu, telles des siamoises jetables. Si on le souhaite, on demande tout simplement un couteau et une fourchette et tout le monde s’en moque, en fait.
Après, on est vraiment content car les plats arrivent, on mange, on discute, on boit sa petite bière, on en recommande une autre.
Autre règle absolue du restaurant asiatique : vous allez, vous devez, vous ne manquerez pas de … salir la nappe blanche ou rose sur laquelle vous mangez. C’est un fait, chez soi on réussit à éviter, ici, il y a toujours une abondance de taches de la bonne sauce aigre –douce et des traces des queues de crevettes poivre à sel, sans oublier le nuoc-mam qui a splashé et la bière qui a coulé.
Les tests de la mort pour les lessives qui enlèvent tout, même avec un nœud au milieu et qu’on vous donne trois barils à la place d’un et c’est non, même s’il y a la blancheur triple action et l’odeur des champs de pervenches au petit matin pendant 24 heures chrono… se font en fait sur des échantillons de nappes de restaurants chinois et vietnamiens. Je vous le dis, camarades convives et baveurs.
Enfin, les desserts. Ah. Il y a débat. Certains disent que les desserts « ce n’est pas leur fort » et mettent fin au repas avec le café, par ailleurs rarement bon, vous en conviendrez. D’autres ne partiront pas sans un beignet de bananes flambé (c’est joli, le flambage) ou des lychees sans goût. Là aussi, c’est à vous de trancher.
Et pour finir, pour vous Messieurs, hi hi hi, le petit verre d’alcool de riz avec la fille dénudée au fond, mais pas pour les dames, ha ha ha.
On paie, on s’en va et au revoir au revoir.
Bizarrement, on a toujours une soif d’enfer après et il faut au moins trois verres d’eau pour l’étancher.
Au moment où je vous écris, bouf, bouf, un petit renvoi discret me rappelle que mon bœuf aux oignons de ce midi n’était pas mauvais du tout !

1 commentaire:

  1. Un sujet d'actualité alors que nous fêtons les 60 ans de la Chine Pop. Que dire de plus sinon que les serveurs sont toujours menés à la baguette, qu'il n'y a pas d'os dans le canard laqué et que la musique de fond est au restaurant chinois ce que la musique des Beatles était au Prisunic des années 60.

    Olivier B

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