jeudi 25 juin 2009

Les paupières lourdes



Aujourd'hui, encore, j'ai passé un nombre d'heures effrayant "en réunion".
De plus, dans mon boulot, il s'agit de rassemblement où l'on cause anglais. Et on cause anglais et on cause anglais? Plus ou moins bien, d'ailleurs.
C'est "l'Europe", tout le monde parade, vient au "Headquarter", fait semblant de s'apprécier et retourne dans son pays vite fait, via sa compagnie nationale et en se disant le soir " quelle réunion naze, de toutes façons, on fera comme on veut, c'est pas les idiots du Siège qui vont nous apprendre le métier, hein Pablo ?"
Je vous garantis que les français se moquent éperdument des consignes de la direction européenne ou des "best practices" des portugais et que les autrichiens n'en n'ont absolument rien à taper des allemands et des néerlandais. Chacun fait comme il l'entend, et vient juste à la réunion Europe pour garder son job.
Et chacun cause et entame son speech.
Les vrais British, eux, utilisent force expression idiomatiques, cisèlent un vocabulaire choisi et font des petites blagues entre anglo-saxons, que ne comprennent pas les autres. Attention, si vous avez droit à l'irlandais, au gallois ou là l'écossais, accrochez-vous.
Pas de chance, après le déjeuner, c'est une française qui, d'un ton monocorde et les pieds rentrés en "V", débite lentement, très lentement un Powerpoint modèle "Texte dense, Images absentes" (voir mon autre chroniquette à ce sujet)
Mes paupières étaient lourdes, j'en avais mal aux yeux.
Au début, on fait genre : "je me masse les tempes et je ferme les yeux 10 secondes, mais pas plus".
On le refait deux ou trois fois.
Après , on se tortille sur sa chaise.
Encore après, les yeux sont fermés depuis déjà 30 secondes et on pense "je serais si bien sous ma couette, hmmm, hmmm.." et on est réveillé en sursaut par une question de l'italien du groupe qui commence toujours par "but, in Italy, itte ize differente..."
Là, c'est dur, très dur, on a l'impression que le cerveau est englué dans une boue solide.
Les jambes sont raides, la nuques douloureuse, les épaules de travers, bref, un enfer.
Aujourd'hui, j'avoue et parceque c'était un meeting SANS PAUSE AU MILIEU, j'ai fait le très malpoli et suis sorti discrétos de la salle en regardant mon télephone portable avec fureur, comme si je recevais un appel du PDG des USA ou des impôts ou de l'inventeur de Powerpoint lui-même.
J'ai foncé aux toilettes et me suis aspergé d'eau le visage et regagné un niveau de conscience et d'éveil proche de celui de l'amibe ou du cactus.
Mieux qu'avant donc.
Pas de bol, ma cravate s'est trouvée maculée de gouttes.
J'ai regagné la salle de réunion où il faisait 40 degrés, vu que le clim' marche mal, assez discrètement, la veste serrée , l'air toujours courroucé.
Pas de chance, c'est au tour d'une allemande de présenter ses "slides". Elle parlait tout bas et ne regardait que l'écran en nous tournant le dos.
Mes paupières, un instant allégées regagnent leur poids d'avant, voire pire.
Je rame.
Je sue.
Je change de position trois fois par minute.
Le temps passe avec une lenteur proche du zéro absolue.
Les secondes se dilatent, chaque instant devient une éternité.
Je fais un petit sms en douce.Une minute de gagnée.
Mon voisin a aussi les yeux qui chavirent, ainsi que le collègue belge, au fond.
Personne ne se marre.
Fin de la présentation teutonne.
Attaque une américaine survoltée que je ne connais pas (on est 35 dans la salle et l'ordre du jour, je l'ai imprimé pour ne pas venir les mains vides, mais je ne l'ai pas lu. You are kidding ! Et puis quoi encore ?).
Pendant cinq minutes, elle arrive à me réveiller.
Après dix minutes, mes fourbes paupières me lâchent à nouveau.
Et là se produit un phénomène classique d'une réunion en anglais : le "décroché neuronal de traduction", ou DNT.
Explication : je parle assez bien anglais, mais là, je ne COMPRENDS plus un mot.La fonction traduction est inhibée dans mon cerveau, ses dires sont devenus du moltchène.J'entends tout, ne comprends rien. Je lutte juste pour ne pas m'allonger sur la moquette avec ma veste roulée en boule comme oreiller.
On s'en fout, cependant, on aura tous demain un mail avec 10 Mega Octets de fichiers attachés avec tous les Powerpoint qu'on a subis... et vu qu'elle n'attend pas de contradiction à son topo...et ça dure, et ça dure.
Punaise, me dis-je en regardant l'agenda, encore trois orateurs avant la conclusion par le grand chef.
Il va falloir tenir.
Tiens, mon télephone portable ne sonne pas .
Excellent, je l'empoigne et sort pour aller me mettre de l'eau sur le visage.
Mais cette fois, gaffe à la cravate.
Au secours !

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