jeudi 18 juin 2009

Le langage trahit-il la pensée?


Bac L , session 2009
Philosophie
Le 1er sujet de philo : L’objectivité de l’histoire suppose-t-elle l’impartialité de l’historien?
Le 2ème sujet de philo : Le langage trahit-il la pensée?
L'explication de texte en philo : Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation
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2ème sujet;

INTRODUCTION

Je voudrais traiter ce sujet au travers de l'utilisation du logiciel Powerpoint en ce début de XXI ° siècle dans le monde réduit de l'entreprise privée.
«Plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d’importance.»(Gilles Deleuze) et je veux ici expliquer l'intersidéral orgueil qui se cache dans l'utilisation systématique de ce logiciel comme unique mode d'expression du déni de la réalité quotidienne. Forme monopolistique de langage dans l'agora capitalistique, Powerpoint brille par ses lumens, non par ses tirades géniales.


PLAN
1/ Le langage comme coquille vide
2/ Au secours au secours au secours
3/Le langage et l'inconscient (mais pas comme : je suis en réunion et j'ai sombré dans l'inconscience)


1/ Le langage comme coquille vide

Le langage est indsipensable à la pensée. "On ne peut penser sans les mots" (Hegel)
Le langage est le véhicule de la pensée..encore faut-il que la pensée soit structurée, pertinente, riche et critique.
Or, le contenu d'un message à faire passer à d'autres êtres humains, enfermés dans la même communauté (appelée "boîte" ou "entreprise")n'est pas à chaque fois structuré, pertinent, riche ni critique.Loin s'en faut.

Il s'agit d'un mode de communication simpliste, fondé une communication à sens unique lors de rassemblements allant de 2 à 2578 salariés, convoqués lors de séances appelées "réunions". Rituel obligatoire et se mesurant à l'aune de la terrible crainte de s'ennuyer ferme pendant ses huit heures quotidiennes de service.
Dans ces réunions, désormais, le débat est secondaire, cédant la place à un excès de déversement langagier appelé "pipotron sur Powerpoint". Au delà des langues, des nations et des métiers, universel par ses codes... il rassure et passe le temps.
La vacuité du contenu est ici entièrement dissimulée par le medium (présentation longue, images, graphiques, ton monocorde, textes denses et illisibles).
"Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage" (Bergson)
Ici , c'est l'absence d'âme absolue qui est traduite en un incommensurable langage, sans fin, ni fond.
Le fin en soi du mode de langage utilisé est l'assoupissement pour le receveur ou la justification pour l'émetteur (je fais un Powerpoint DONC j'existe). De façon mineure, il s'agit aussi de mettre en péril les ressources écologiques de la Terre en imprimant 55 copies non recto verso et en couleur qui seront détruites peu après la brève céremonie de rassemblement.

2/ Au secours au secours au secours

Powerpoint est non seulement une forme de langage en soi, mais aussi un rituel social
«Il existe infiniment plus d'hommes qui acceptent la civilisation en hypocrites que d'hommes vraiment et réellement civilisés.»(Freud)
A cela, il faut ajouter l'hypocrisie quant au fond, mais aussi à la forme : orthographe bâclée, vocabulaire limité, Anglais de boucherie, citations d'auteurs inconnus mais édités chez Harvard Press, images illustratives identiques, copiées d'autres présentations et très naîves, voire reflétant une imagination et une culture très primaires (une Tour Eiffel par ci, une poignée de main par là)
Et , pour citer Kant,«des concepts sans matière sont vides.»
Bon sang, et combien de discussions sans objets, sans matière et sans volonté d'action sont organisées chaque jour dans nos tours de verre et d'acier ?

Ceci dit, là je peux faire intervenir Marx (Groucho, pas Karl) : «Soit cet homme est mort, soit le temps s’est arrété.» Ceci ne trahira aucune vérité et si les montres pouvaient s'user sous les regards, Powerpoint aurait permis à Microsoft d'acquérir Timesque, Lippe, Patouche Philippe, Switch et Ô mégot tout à la fois.
Je dois avouer avoir failli m'endormir plus qu'à mon tour , ... excellente transition avec ma troisième partie, cher correcteur.

3/Le langage et l'inconscient (mais pas comme : je suis en réunion et j'ai sombré dans l'inconscience)

«La clarté ne naît pas de ce qu'on imagine le clair, mais de ce qu'on prend conscience de l'obscur.»(Carl Gustav Jung).
Avec un voile noir devant les paupières, nous nous rendons donc compte en fin de réunion, qu'on vient de nous annoncer que nous allons au mieux devoir réduire tous les budgets de 10%, ou bien peut être que la RH est transférée à Budapest, la compta à Bangalore, les voyages à Internet et à demain, les fournisseurs à Varsovie et au pire être tous virés.
Soyons franc, le langage trahirait bien ici une tentative de pensée, à défaut d'une tentative d'action.
L'action intervient en amont ou en aval du langage Powerpointisé (notion de pouvoir et d'abus de pouvoir qui se passe de la co décision)
Les mots alors sont juste adéquats pour traduire des idées vides ou reçues et devenir des épouvantails contre la peur inconsciente de la mort , qui dans le monde de l'entreprise est symbolisée par le licenciement.

Conclusion

Powerpoint devrait être appelé Pauvre Point.Vecteur simpliste des consignes du pouvoir , des messages pauvres et des décisions mal prises, il ne trahit pas "la pensée" , car cela pré suppose qu'une véritable pensée ait été formulée.
«Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial.»(Karl Marx)
Comme ces écrans plats toujours plus larges qui ne servent qu'à diffuser une médiocrité toujours plus crasse, les gesticulations Powerpoint des cadres et employés ne sont que les vecteurs d'une trahison du langage compris comme formalisation des Idées.
Quelques mots et un peu d'âme auraient fait tout aussi bien.

NOTE du CORRECTEUR
10/20
Soit ce candidat a 50 ans et s'est camouflé en élève, soit il a 18 ans et son père lui parlait via une oreillette entre deux bureaux, de la Défense.
Ceci dit, j'ai presque souri.

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