mardi 26 avril 2011

Cher Général de Gaulle


  


Comme une envie de framboises chez une femme enceinte, cela me prend brusquement de vous écrire une note sur ce blog, avec le respect qui vous est dû, bien sûr. Alors, oui, mon Général, un « blog » est une sorte de journal presque intime  mais public quand même, tout à fait électronique, que l’on « publie » et qui sera lu au hasard des connexions entre nos machines « ordinateurs » individuelles. Un peu comme votre appel du 18 Juin, mais en plus confidentiel, en fait. 
J’ai beau être à moitié rouge politiquement, je ne vais pas vous adresser une bête salve de méchancetés. Quand on sort son périscope de la fange des politiques qui grenouillent dans la grande mare en 2011, n’importe quel observateur un peu sensé ne peut que s’incliner devant votre grande statue du commandeur. Mais si, mais, et ce n’est pas de la flatterie.
Si je pense à vous aussi soudainement c’est que je vous ai vu discourir avec fermeté, hier, dans des projections sur écran des actualités des années 60, alors que je parcourais joyeusement l’exposition sur le paquebot France, au Musée de la Marine à Paris. Quelle belle expo ! Oui, oui, ce bateau long comme les allées d’un château de la Loire et beau comme une grande fusée maritime, fendant les flots de l’Atlantique avec noblesse, surmonté de ses deux aériennes cheminées rouges au liseré noir. J’ai bien regardé les films d’explications, commentés d’une voix moralisatrice… Ce fruit d’un travail titanesque et digne de Vulcain, alliance de la technique des « ingénieurs » (avec lunettes carrées et blouses blanches) et de la sueur des « ouvriers » (avec mégots Gitane et doigts coupés)… et tous ces chiffres majestueux qui nous sont assénés. Ce navire symbole qui exsude la nostalgie, transpire notre gloire nationale supposée envolée et fleure bon les jolies sixties. Une époque où l’on fumait partout, toujours, avec élégance et en parlant de classe justement, la « première » et la « touriste » ne se mélangeaient point. Ceci dit, que l’on soit au pont supérieur en zibeline et collier de perles ou beaucoup plus bas mais en cravate droite ou en joli tailleur-chignon, il semblait que l’on restât bien mis et courtois tour au long de la traversée de quatre jours. Et bien sûr, clou du spectacle, les menus, la grande bouffe et le son des cuillers en argent contre les assiettes siglées que l’on imagine bien remplies, alors que tintent les verres emplis d’un Bordeaux gouleyant. Aaah… 

Mon Général, si vous sortiez du cadre et nous questionniez tout à trac, en plein Trocadéro, vous nous surprendriez, comme tous bons citoyens un peu férus d’histoire, en plein accès de nostalgie bleu blanc rouge. Celle de la Marseillaise, de la Compagnie Générale Transatlantique et d’un temps où le Made in France valait son pesant de cacahuètes. Attention, quand je dis « bleu blanc rouge », réglons notre poste à transistors sur l’ambiance FFI, Trente Glorieuses, 350 sortes de formages et vin de pays. Surtout pas sur les nocives fréquences du mauvais borgne que vous avez connu fringant et l’invective aux lèvres et de sa rusée fille blonde qui a désormais repris le flambeau. Plutôt le côté trémolos dans la voix, tel un Malraux formidable qui accueille Jean Moulin au Panthéon. 
Putain (pardon, mon Général), ça fout des frissons dans le dos ce discours. Je l’ai encore regardé sur « Youtube » (euh, oui, mon Général, illou-tioube c’est une sorte de TSF « à la demande » accessible de façon simple et pour tous) et je l’ai posté direct sur mon « profil Facebook » (et ça, hmmm, disons une série de fiches aide mémoire toutes numérisées et colorisées pour montrer à vos connaissances ce qui vous plaît… cet ingénieux système est fort distrayant, mais ce serait un peu long à vous expliquer, mon Général).
Bref, ce que voulais juste vous dire, c’est qu’entre le France et le père Malraux, ainsi qu’à l’aune de votre stature immense, la petitesse au propre comme au figuré de vos successeurs m’a fortement sauté au visage, tel un éclair inattendu sur une DS abandonnée dans un champ de coquelicots, voire comme le Titanic le fut par un iceberg. On se croirait dans un accident spatio-temporel ! Il y a cinquante ans, des quasi-héros, et là, du menu fretin bien arrogant…Du paquebot France à la classe éco sur Zizi Jet, en quelque sorte. Bref, les veaux que nous sommes,  comme vous diriez, mais encore plus veaux, version 2.0.    
Et le France, mon Général ? Si je vous dis qu’il a fini découpé au marteau et au chalumeau par des crève-la-faim sous payés sur une plage en Inde, cela va vous fortement vous agacer, ou vous préférez rester finir votre partie d’échecs avec Churchill ?
Allez, je ne vous dérange pas plus, demain j’ai 75 e-mails à lire. Les « e-mails », si c’est bien, mon Général ? Laissez tomber, si vous me permettez, cela ne vaudra jamais un petit papier sur lequel vous auriez écrit un bon mot caustique et mémorable !

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